Sensible aux propositions d’adaptations de son roman par certains réalisateurs dont Renoir, Camus n’en verra aucune de son vivant.
À l’occasion du 100e anniversaire de la naissance d’Albert Camus, la bibliothèque Méjanes et le centre de documentation Albert Camus proposent une exposition autour de « Albert Camus, citoyen du monde » (du 5 octobre 2013 au 4 janvier 2014). L’Institut de l’image s’associe à cet événement et rend hommage à l’écrivain à travers une programmation qui illustre cette position camusienne et cette façon d’habiter le monde. Dans cette optique sont donnés à voir, non seulement les adaptations de ses romans, celles de grands livres qu’il a aimés et défendus, mais aussi certains des engagements politiques qui l’ont animé, rappelant ses prises de position sur la peine de mort, la guerre nucléaire ou encore les totalitarismes. Cette proposition mettra également l’accent sur l’amoureux de la beauté du monde et du paysage qu’était cet homme de lettres libre-penseur, et permettra aussi de redécouvrir des films rares, comme l’adaptation en quatre volets de Guerre et paix par Serge Bondartchouk, Méditerranée de Jean-Daniel Pollet, ou encore Les Possédés d’Andrej Wajda, et en avant-première un documentaire d’Abraham Ségal sur Albert Camus, Quand Sisyphe se révolte…
Partant des textes de Camus, la programmation propose à certaines séances des lectures des extraits choisis lus par des comédiens de la Compagnie Fragments.
Alger, 1935. Un modeste employé, Meursault, enterre sa mère. Le lendemain, il se lie avec une jeune collègue, Marie, puis reprend sa vie de toujours, monotone, qu’un voisin, Raymond, vient perturber. Un dimanche, sur une plage, il tue un algérien, qui semblait harceler Raymond depuis plusieurs jours…
Sensible aux propositions d’adaptations de son roman par certains réalisateurs dont Renoir, Camus n’en verra aucune de son vivant.
Dans un port d’Amérique du Sud où se propage une épidémie de peste, les autorités instaurent la loi martiale. Pris au piège, deux journalistes français s’opposent…
Film très critiqué lors de sa sortie en 1992, et rarement montré depuis, La Peste fait néanmoins partie des trois adaptations de romans de Camus au cinéma… l’occasion de vérifier si les critiques de l’époque étaient justifiées ou non.
Août 1957. Un écrivain célèbre d’une quarantaine d’années, Jacques Cormery, rend visite à sa mère à Alger. La ville est en état de guerre. Il se souvient de ses années d’écolier, de ses amis européens et algériens et de M. Bernard, l’instituteur qui l’a projeté vers une vie inconcevable pour un enfant né dans une famille pauvre et analphabète…
Le Premier homme est le premier jet d’un manuscrit inachevé, retrouvé dans une sacoche lors de l’accident de voiture qui coûta la vie à Albert Camus le 4 janvier 1960. Comme L’Étranger, le film a été tourné en Algérie.
En présence de Catherine Camus, éditrice, et du réalisateur Gianni Amelio, mardi 29 octobre à 20h30
1841. New Bedford dans le Massachusetts. Ishmael, jeune marin qui rêve d’aventure, s’embarque à bord d’un baleinier, Le Pequod, commandé par le mystérieux capitaine Achab. Animé d’une volonté démente, celui-ci n’a qu’une obsession : prendre sa revanche sur Moby Dick, une baleine blanche qui l’a laissé estropié et défiguré…
« Et il est vrai que ce livre admirable est de ceux, forts rares, qu’on peut lire de façons différentes, à la fois évidents et mystérieux, obscurs comme le plein soleil et pourtant limpides comme une eau profonde. »
Le docteur Jivago est enrôlé de force dans l’armée au début de la révolution d’Octobre. Commence un long exode qui le sépare de la femme qu’il aime. Cet idéaliste sera ballotté dans les remous de l’Histoire, entre une vie conformiste auprès de son épouse et une passion aventureuse avec sa maîtresse…
« Ce grand livre d’amour n’est pas antisoviétique, comme on veut nous le dire, il n’offre rien à aucun parti, il est universel. »
Au début du XIXe, alors que Napoléon 1er mène son armée toujours plus loin en Russie, la vie continue à Moscou, à travers l’histoire de deux familles de l’aristocratie bouleversées par la guerre. Mais ce sont aussi les tourments de tout un peuple qui sont racontés, dans une étourdissante épopée…
« La Guerre et la Paix est fichu comme un as de pique, il faut bien dire la vérité, mais ceci dit, c’est un art qui pour moi est au sommet de tous les arts […] vous qui êtes justement peintre, il me semble qu’à votre place, je serais justement plus sensible à un écrivain comme Tolstoï qui donne la troisième dimension, je veux dire la profondeur […] »
En Russie, en 1870, un groupe de jeunes révolutionnaires veut faire éclater l’ordre ancien. Pierre, le chef de bande souhaite que le charismatique aristocrate Nicolas Stavroguine le remplace…
« … j’ai adapté Les Possédés parce que […] c’est un des quatre ou cinq livres que je mets au-dessus de tous les autres, et qui ont joué un rôle dans ma formation […]. »
Guidés par le hasard, Don Quichotte et Sancho poursuivent jour et nuit leur voyage à la recherche d’aventures. Ils chevauchent à travers champs, conversant sur des sujets aussi divers que la spiritualité, la Chevalerie, ou simplement la vie quotidienne. Un lien d’amitié de plus en plus fort les unit…
« Un refus qui est le contraire d’un renoncement, un honneur qui plie le genou devant l’humilié, une charité qui prend les armes, voilà ce que Cervantès a incarné dans son personnage en le raillant d’une raillerie elle-même ambiguë, […] »
Œuvre crépusculaire sous influence du cinéma soviétique, L’Espoir mélange avec une grande conviction la fiction et la reconstitution historique au service d’une réalité, la guerre civile espagnole.
« Si j’avais à refaire L’État de siège, c’est en Espagne que je le placerais encore, voilà ma conclusion. Et à travers l’Espagne, demain comme aujourd’hui, il serait clair pour tout le monde que la condamnation qui y est portée vise toutes les sociétés totalitaires. »
Accusée d’un meurtre qu’elle n’a pas commis, Barbara Graham est condamnée à mort. Seul contre tous, le journaliste Ed Montgomery la défend…
Farouche opposant à la peine capitale, Camus y fera référence dans la plupart de ses oeuvres et la combattra constamment.
« À quoi servirait le cinéma américain s’il ne servait à nous mettre en face des réalités de notre temps. […] Le jour de véritable civilisation est encore à venir, en Amérique comme en France, mais l’honneur de ce film est de contribuer au moins à son avènement. »
Une actrice se rend à Hiroshima pour tourner un film sur la paix. Elle y rencontre un Japonais qui devient son amant, mais aussi son confident. Il lui parle de sa vie, elle lui parle de son adolescence à Nevers pendant la seconde guerre mondiale, de son amour pour un soldat allemand et de l’humiliation qu’elle a subie à la Libération…
« La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques. »
Années 50. Dans un dépôt de ferraille travaillent des prisonnières, condamnées pour avoir tenté de quitter illégalement le pays, et des hommes soupçonnés de ne pas s’enthousiasmer pour le régime. Tout ce petit monde suit avec compréhension l’amour de Pavel pour la jeune prisonnière Jitka…
Un des meilleurs films de Jiri Menzel, où il adapte une nouvelle de Hrabal : Vends maison ou je ne veux plus vivre.
« Renoncer à toute valeur revient alors à renoncer à la révolte pour accepter l’Empire et l’esclavage. […] La vraie passion du XXe siècle, c’est la servitude. »
Paris, mai 1962. La guerre d’Algérie vient de s’achever. En ce premier mois de paix depuis sept ans, que font, à quoi pensent les Parisiens ? Chacun témoigne à sa manière de ses angoisses, ses bonheurs, ses espoirs. Peu à peu, se dessine un portrait pris sur le vif de la France à l’aube des années 60.
Camus a vécu dans ce Paris merveilleusement filmé par Chris Marker. Un Paris qui témoigne du basculement d’une époque.
« Paris. Les arbres noirs dans le ciel gris et les pigeons couleur de ciel. Les statues dans l’herbe et cette élégance mélancolique… […] Paris. Les petits cafés à 5 h du matin - la buée sur les vitres - le café bouillant - le public des Halles et des convoyeurs - le petit verre matinal et le beaujolais. »
Un film mythique et un ballet envoûtant autour de la Méditerranée.
« La Méditerranée a son tragique solaire qui n’est pas celui des brumes. Certains soirs, sur la mer, au pied des montagnes, la nuit tombe sur la courbe parfaite d’une petite baie et, des eaux silencieuses, monte alors une plénitude angoissée. On peut comprendre en ces lieux que si les Grecs ont touché au désespoir, c’est toujours à travers la beauté, et ce qu’elle a d’oppressant. Dans ce malheur doré, la tragédie culmine. »
Occasion de rendre aussi hommage à Michel Bouquet qui joua dans trois pièces d’Albert Camus, Caligula en 1945, Les Justes en 1949 et Les Possédés en 1959.
« D’immenses eucalyptus, des palmiers royaux, des cocotiers, des caoutchoutiers à l’énorme tronc dont les branches basses s’enracinaient plus loin et formaient ainsi un labyrinthe végétal plein d’ombre et de secret, des cyprès épais, solides, des orangers vigoureux, des bouquets de lauriers d’une taille extraordinaire, roses et blancs, dominaient des allées effacées […] »
Des petits moyens pour un projet ambitieux, pour un travail de romain. Un "opéra", un film "art brut" fait par un autodidacte entre ses heures de travail alimentaire avec pour ambition de mettre en vie à travers le texte de Camus cet insupportable paradoxe entre une conscience d’éternité, de puissance, de pouvoir et un assujettissement incontournable à la matière finie qui nous est imposé par les lois physiques et qui aura le dernier mot…
« [Caligula], c’est le cas d’un homme que la passion de vivre conduit à la rage de destruction, d’un homme qui par fidélité à lui même est infidèle à l’homme. Il récuse toutes les valeurs. Mais si sa vérité est de nier les dieux, son malheur est de nier les hommes. »
Dans un paysage enneigé, une école de Kabylie sert de cadre à la lecture et à la reconstitution d’une nouvelle de Camus, L’Hôte. La lecture de Jean Negroni est illustrée par des gravures. En contrepoint, un commentaire sur des images d’Alger retrace les grandes étapes de la vie de l’écrivain…
« L’Hôte est un écho direct à la guerre d’Algérie commencée en 1954. Ce récit, poignant, est une admirable illustration de l’incompréhension entre les deux communautés, et cependant du rêve de fraternité […]. »
Tourné en Algérie, en France et en Grèce, Quand Sisyphe se révolte est une investigation documentaire qui va du mythe grec de Sisyphe revu par Albert Camus et ses résonances actuelles à l’appel de Camus pour une juste révolte qui exclut le meurtre.
En avant-première, séance unique en présence d’Abraham Ségal jeudi 10 octobre à 20h30