« La Chasse apparaît dans la carrière de Saura comme une parfaite transition entre le réalisme lyrique de ses débuts (Los Golfos) et les ambitieuses paraboles qui suivront, davantage ouvertes sur l’imaginaire. »
C’est en découvrant les films de Luis Buñuel que Carlos Saura (1932-2023) décide de devenir réalisateur. À ses débuts, ses films mettent en scène les Espagnols en marge de la société (Los Golfos), et dénoncent la frustration de la bourgeoisie, due à l’idéologie conservatrice et nationale-catholique du régime franquiste (La Chasse et Anna et les loups). Ses positions envers le régime passent par des métaphores et des paraboles, notamment du couple et de la famille, des sujets qui lui sont proches. Leader espagnol des cinéastes de sa génération grâce à La Chasse présenté au festival de Berlin en 1965, pour lequel il obtient l’Ours d’Argent de la mise en scène, il acquiert une réputation internationale. Malgré cette reconnaissance, la censure reste présente et certains films, comme La Cousine Angélique, provoquent de violentes réactions du public espagnol. Après la mort de Franco, le réalisateur s’oriente vers un genre plus léger, qualifié par lui-même de « tragicomédie », comme dans Maman a 100 ans. En 1981 il renoue avec le film-enquête avec Vivre vite, dans lequel Carlos Saura pose un regard sceptique sur la société de l’après-franquisme.
Tous les films sont en copies numériques restaurées.
Image en haut de page : La Madriguera (1969)
Trois amis ayant participé à la guerre civile du côté de Franco se retrouvent pour chasser le lapin. Un jeune homme, Enrique, les accompagne pour sa première partie de chasse sur ce terrain que les trois ont connu durant une bataille….
« La Chasse apparaît dans la carrière de Saura comme une parfaite transition entre le réalisme lyrique de ses débuts (Los Golfos) et les ambitieuses paraboles qui suivront, davantage ouvertes sur l’imaginaire. »
Julián, radiologue, a installé son cabinet à domicile. Il travaille dans l’isolement, assisté dans ses tâches par Ana, une infirmière taciturne. Un jour, Julián est invité chez son meilleur ami d’enfance, Pablo, aventurier tout juste revenu d’Afrique…
« Peppermint frappé est dédié à Luis Buñuel, grand maître du fétichisme à l’écran. C’est aussi à Hitchcock que l’on pense devant cette transposition moderniste de Vertigo dans l’Espagne provinciale et rétrograde. Le film est également une déclaration d’amour à Geraldine Chaplin, égérie et compagne de Saura (…) ici particulièrement fascinante dans un double rôle. »
Fernando entreprend un voyage en voiture afin de visiter des terrains à bâtir. Il est accompagné de son épouse Teresa, et de son collaborateur Antonio. Mari jaloux, Fernando est bientôt persuadé que Teresa et Antonio éprouvent une attirance réciproque…
« Stress Es Tres… frappe par sa variété de tons. Démarrant comme une comédie à l’italienne, avec son ambiance estivale et son trio badinant sur la route, le film dérive progressivement vers l’angoisse et le voyeurisme, creusant une veine surréaliste, entre bestiaire (…) et imagerie chrétienne (…). »
La vie conjugale monotone de Pedro et Teresa est bouleversée le jour où la jeune femme hérite du mobilier issu d’une veille maison dans laquelle elle a vécu, enfant. La nuit, elle commence à revivre des scènes de son enfance, sous le regard incrédule de son mari…
« Saura décrit, dans une mise en scène admirable de précision, d’observation lucide et brûlante, une névrose qui se libère pour faire éclater le faux-semblant d’une vie de femme. »
Antonio, industriel richissime, se retrouve amnésique et paralysé à la suite d’un accident. Sa famille, qui compte sur son capital et en dépend, va tenter de ranimer sa mémoire…
« Conte cruel, inspiré d’une histoire vraie, Le Jardin des délices est porté par un José Luis Lopez Vazquez exceptionnel. Il peut être vu comme une allégorie de l’Espagne franquiste de 1970, mais aussi comme une critique sociale détonante. »
Anna, une jeune étrangère, arrive dans une famille composée d’une vieille femme veuve et de ses trois fils : José est un militaire raté, Fernando un faux mystique, et Juan est obsédé sexuel. Ce dernier est le père de trois fillettes dont Anna doit être la gouvernante…
« Anna et les Loups est l’un de seuls films ouvertement allégoriques de Carlos Saura, où chaque personnage est chargé d’une valeur de symbole. (…) Cette réussite majeure de Saura se révèle alors un grand film d’horreur politique, avec une conclusion à vous glacer le sang. »
Luis retourne en Castill, dans le village de son enfance, pour exécuter les dernières volontés de sa mère défunte. Le passé resurgit, les souvenirs ont un goût amer…
Une œuvre autobiographique où se mêlent passé et présent, dans laquelle la Guerre Civile occupe une place importante, comme souvent chez Saura, le cinéaste l’ayant vécue enfant.
Ana, 9 ans, ne dort plus la nuit dans la grande maison madrilène familiale. Ses parents sont morts récemment. Sa mère s’est éteinte de chagrin et de dépit amoureux, son père a succombé à une maîtresse vengeresse. Ana refuse le monde des adultes et invente son univers…
« Je n’ai jamais cru au prétendu paradis de l’enfance : je crois, au contraire, que l’enfance constitue une étape durant laquelle la terreur nocturne, la peur de l’inconnu, le sentiment d’incommunicabilité, la solitude sont présents au même titre que cette joie de vivre et cette curiosité dont parlent tant les pédagogues. »
Elisa rend visite à son père, Luis, traducteur solitaire vivant reclus à la campagne. Alors qu’ils ont toujours été distants, voilà qu’ils réapprennent à s’aimer. Elisa ira même jusqu’à vivre avec lui…
« Si Elisa, mon amour (…) est le film stylistiquement le plus austère et le plus déstabilisant de Carlos Saura, c’est en même temps son œuvre la plus audacieuse et la plus personnelle. »
Anna revient dans la maison où elle était gouvernante, pour les cent ans de la grand-mère. Après les retrouvailles, chacun s’emploie aux préparatifs de la fête mais Anna découvre vite que des membres de la famille préparent un complot pour toucher l’héritage de leur mère…
À voir après Anna et les loups, dont il reprend les personnages et les mêmes décors, sans vraiment en réaliser une suite, mais plutôt une version plus légère, moins sombre.
Pablo, Meca et Sebas vivent de petits coups, qui leur permettent de prendre du bon temps. Un soir, après un braquage de voiture, ils rencontrent Angela, serveuse dans un bar. Angela découvre rapidement la vie dangereuse mais indépendante que mène le trio…
« Le film, qui a rencontré un vif succès en Espagne à sa sortie, tire sa singularité de ce curieux mélange entre la dénonciation brutale d’un environnement dégradé, sali, détruit par la modernité et un regard à la fois lucide et indulgent sur une jeunesse qui n’est animée par aucun idéal… »